Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
la madeleine
Derniers commentaires
Archives
25 juin 2005

Une carrière militaire

Ernest Alexis François BLESTEL est le benjamin des six enfants de Jacques BLESTEL, journalier agricole, alors âgé de 35 ans, et d'Adélaïde Clémentine Julienne POIRIER, âgée de 36 ans,ménagère.

Né le Mardi 9 septembre 1884 à 18 heures au hameau La Blestellerie à Quinéville, au Hameau Les Landes, il sera baptisé Ernest, un prénom typique de l’époque romantique, et devenu classique.

C’est le petit frère d'Adolphe (né en 1875), d'Ernestine (né en 1877), de Paul (né en 1880) et d’Arthur (né en 1882). Il a de très bonnes relations avec ses frères et soeurs.

C’est dès l’âge de 11 ans, au lendemain de sa communion solennelle, qui à l’époque marquait le passage à la vie adulte, qu’Ernest sera placé comme employé dans une grande ferme du Calvados, à Mons. Il apprendra « sur le tas » ce travail très dur. En effet, les journaliers agricoles ne possédaient rien, sinon leurs bras et ceux de leurs enfants. (Les laboureurs, eux, étaient propriétaires.)

Pourtant Ernest ne va pas s’en tenir là, il ne se contentera pas de sa scolarité primaire à Quinéville, et continuera à s’instruire en autodidacte pendant ses loisirs. Elevé à la campagne dans cette famille très modeste, Ernest saura sortir de sa dure condition d’origine en devenant militaire de carrière. Plein d’initiatives, il exercera tour à tour plusieurs métiers : militaire de carrière (Adjudant-Chef du 2ème Régiment d'Artillerie Coloniale), épicier à Cherbourg, agriculteur…

Autre étape importante de la vie, le service militaire, période durant laquelle les jeunes hommes sont au service de la nation.  Le recrutement pour le service militaire a beaucoup varié depuis le début du XIXe siècle. A partir de 1818, la loi Gouvion Saint-Cyr établit l’appel. Durant cette période, chaque homme est inscrit sur un tableau de recensement, puis inscrit sur la liste du tirage au sort par canton et enfin, pour ceux qui partent, sur la liste des conscrits appelée ainsi jusqu’en 1815, liste ensuite dite départementale de 1814 à 1834 puis cantonale et à nouveau départementale en 1872. La loi du 21 mars 1905 qui crée le service militaire obligatoire pour tous, durant 2 ans, interviendra plus tard.

Ernest  reçoit le numéro 18 du tirage effectué dans le canton de Montebourg.  Est-ce le fruit de la malchance, ou au contraire l’une des chances de sa vie ? Ernest est tiré au sort pour partir au service militaire. A l’époque il était encore d’une durée de 3 années !

Un peu plus tard, il reçoit son ordre de mobilisation. Jeune soldat appelé de la classe 1904, de la subdivision de Cherbourg, il porte le numéro 384 au registre matricule du recrutement. Le premier jour de sa mobilisation, il doit se présenter avant 10 heures à la gare de Lestre-Quinéville et prendre le train jusqu’à Caen, où il sera dirigé sur le Quartier Claude Decaen.

Voici comment son livret militaire le décrit en 1904 : sa hauteur est d’un mètre soixante dix-huit aux cheveux châtain et aux yeux gris, avec un visage rond et plein. Il a pour particularités des taches de rousseur discrètes sur le nez et les paupières inférieures, les oreilles bien ourlées, un système pileux très peu développé, deux cicatrices sur le haut de la fesse droite et une tache noevétique sur la paroi costale gauche."

Les mesures prises pour déterminer la taille de ses vêtements militaires lors de son incorporation nous confirment c’est un solide gaillard.

Il sait lire et écrire et exerce la profession de domestique. Cependant il ne sait pas nager.

q       Photographie: Ernest BLESTEL en Cuirassier

Le 3 novembre 1905 il est incorporé au 2ème Régiment Cuirassier en tant que Cuirassier de 2ème classe, jusqu’au 31 juillet 1907 où il devient Cavalier de 1ère classe.

Le 12 octobre 1907 il passe dans la réserve de l’armée active. Son service militaire est teminé.

Le 12 (ou 18) décembre 1908 il est rengagé pour trois ans au titre du 2ème Régiment d’Artillerie Coloniale et reçoit une prime de rengagement. Il reçoit son instruction militaire à pied et dans l’artillerie où on lui enseigne des connaissances élémentaires sur les canons de campagne, les canons de montagne et le pointage.

Il arrive au corps comme 2ème canonnier conducteur.

Le 8 janvier 1909 il est admis à la haute paye de 0.50 francs (par jour).

Le 21 février 1909 il devient 2ème canonnier servant.

Le 16 septembre 1909 il redevient 2ème canonnier conducteur.

Le 26 octobre 1909 il est promu 1er canonnier conducteur.

Le 17 janvier (ou février) 1910 il est rengagé pour un an jusqu’au 18 décembre 1911 et reçoit une prime de rengagement de 160 francs.

Le 13 mars 1910 il est incorporé au corps d’occupation de la Chine, alors en guerre, jusqu’au 13 juin 1913.

Le 4 mars 1911 il commence le peloton d’instruction militaire, et sur les 3 candidats il se classe 1er.

q       Photographie: Ernest BLESTEL aux colonies

Le 13 mars 1912 il est rengagé pour 4 ans devant l’intendant des troupes coloniales à Zien-Tsin pour compter du 18 octobre 1912 ou 7 février 1913.

Le 1er (ou 12) juillet 1912 il est promu au grade de Brigadier et admis à la haute paye spéciale de 1.30 francs (par jour).

Le 2 mai 1913 il est affecté au 2ème Régiment d’Artillerie Coloniale à Cherbourg et admis à la haute paye spéciale de 0.8 francs (par jour), cette haute paye étant doublée aux colonies.

Le 4 novembre 1913 :  il commence le second peloton d’instruction militaire qu’ il termine 20 mai 1914, et sur les 15 candidats il est classé 7ème.

Le 2 (ou 7) août 1914 il est affecté au 2ème Régiment d’Artillerie Coloniale.

Le 7 août 1914 il est promu au grade de Maréchal des Logis. Il part en Allemagne par voie ferrée, il arrive le 8 août 1914 à Révigny et part le jour même par voie de terre en Campagne contre l’Allemagne.

Le 27 août 1914 il est affecté au 2ème Régiment d’Artillerie Coloniale, puis au 3ème Régiment d’Artillerie Coloniale jusqu’au 1er avril 1917.

Le 10 octobre 1914 il est affecté au 3ème Régiment de l’arme.

Le 13 juin 1915 il est évacué du front vers l’hôpital.

Le 21 juillet 1915 il est évacué du front.

Le 1er ou 7 août 1915 il rentre au dépôt.

q       Photographies: Ernest BLESTEL en campagne

Le 3 octobre 1915 il est cité à l’ordre de la Division : « Le Général Commandant de la 3ème Division d’Infanterie Coloniale cite à l’Ordre de la Division le Maréchal des Logis BLESTEL : A été reconnaître avec les éléments les plus avancés de notre infanterie et sous un bombardement intense, un observatoire très avancé et a contribué à la découverte de deux casemates ennemies dont l’une contenait un canon de campagne approvisionné à environ 2500 coups. »

Le 1er avril 1916 il part au front affecté au 4ème grade.

En juillet et août 1916 il participe à la bataille de la Somme. C’est sa première période de commandement en tant que Chef de Section.

Le 1er avril 1916 il passe au 2ème A.C., réorganisation de l’Artillerie. 2ème R.A.G. jusqu’en juin 1920.

Dans la nuit du 28 au 29 avril 1917, à Vauxaillon dans l’Aisne, il est pris dans la nappe de gaz ennemi.

En avril-mai 1917 jusqu’au 2 septembre 1917 il participe à la bataille de l’Aisne. C’est sa 2ème période de commandement en tant que Chef de Section.

Le 4 septembre 1917, en campagne dans le 1er corps d’armée 3ème division.

2ème RIC, 6e batterie secteur postal 14, ; il est cité à l’ordre du Régiment par le Lieutenant Colonel BAUDOUIN, commandant du 2ème RIC, de Ernest BLESTEL, Maréchal des Logis, matricule n°7752 . «Le Lieutenant-Colonel Commandant le2ème Régiment d’Artillerie Coloniale cite à l’Ordre du Régiment : BLESTEL Ernest, Maréchal des Logis : Crânerie habituelle et belle conduite à la préparation et à l’attaque du 31 août sur les positions ennemies du plateau d’Hurtebise. »

Août à Novembre 1917 : C’est sa 3ème période de commandement en tant que Chef de Section au Chemin des Dames.

Le 1er mars 1918 près de Reims (Marne) il est aux fonctions de commandement de batterie de tir devant Reims. Il est pris dans la nappe de gaz ennemi.

Le 1er mars 1918 il est cité à l’ordre du Régiment : « BLESTEL Ernest : s’est distingué par sa belle attitude au feu au cours du combat du 1er mars 1818. »

Du 23 (ou 25) mars 1918 au 4 avril 1918 il sera évacué par ambulance à l’Hôpital Auban-Moët n°4 à Epernay dans la Marne.

Le 4 avril 1918 il est cité à l’ordre de l’armée avec une proposition pour la Médaille Militaire.

« Sous-Officier énergique et d’une belle crânerie. Au cours d’un bombardement de sa batterie par obus toxiques, a su imposer sa volonté et sa confiance à tout le personnel de sa pièce, a assuré si heureusement la protection individuelle et collective de ses hommes qu’aucun d’eux n’a été intoxiqué malgré les violents efforts necessités par un tir continué plusieurs heures pendant le bombardement ennemi – 2 blessures. »

Le 8 avril 1918 il est promu au grade d’Adjudant, commandant de la 2ème A.C.

Le 20 avril 1918 il obtient la permission du Colonel BAUDOUIN pour aller se marier. ..et le 8 juin 1918 à 33 ans il devient père avec la venue au monde de sa fille aînée Madeleine.

Le 13 juillet 1919 il est promu au grade d’Adjudant-Chef et reçoit une Citation à l’ordre du Régiment : « Sous-Officier d’un grand courage et d’un ascendant sur sa troupe. Très belle conduite comme éclaireur en Champagne (Septembre 1915) comme chef de pièce et comme chef de section à la bataille de la Somme (juillet-août 1916) à la bataille de l’Aisne (avril- Mai 1917) et au chemin des Dames (août-septembre octobre-novembre). Conduite héroïque dans le commandement de sa batterie de tir soumise le 1er mars à un violent et long bombardement à obus toxiques et dont il a su maintenir admirablement la discipline et obtenir un superbe rendement jusqu’à mise successive et complète de son personnel hors de combat. »

Il rentre à Cherbourg.

En tant que militaire de carrière, il a fait toutes les campagnes de la guerre 1914-18. On peut difficilement imaginer  aujourd’hui ce qu’il a pu vivre durant cette guerre cauchemardesque. Au cours de l'une de ses campagnes, il a été gazé. Il a alors passé 40 jours dans le coma, et fut l'un des rares rescapés parmi les victimes de ces gaz asphyxiants . Il en garda quelques séquelles pulmonaires qui ne l’ont pourtant pas empêché d’aller de l’avant.

La guerre 1914-18 fit d’innombrables victimes : sur les monuments aux morts, on a dénombré 18 844 victimes. Au total on peut estimer les victimes à 20 538 tués soit un quart  (23,81%) des 86 246 hommes mobilisés. Et pour chaque victime, c’est une famille endeuillée.

La Manche fut le plus touché des 3 Départements Normands : le recensement de 1921 en témoigne : la population départementale a chuté à 425 512 habitants.

Songez que si Ernest n’avait pas survécu à ce carnage aucun de nous, ses descendants, ne serait là aujourd’hui.

Et pourtant lorsqu’on lui proposa d'être nommé lieutenant, il refusa, considérant qu'il manquait d'instruction par rapport aux hommes qu'il aurait alors à commander.

Mais ses mérites ne sont pas restés ignorés pour autant. Un tableau de médailles a récompensé ses services rendus à la nation. Intitulé « En mémoire de la Grande Guerre » , il y est écrit :

« Classe  1904

Monsieur Blestel Ernest

Adjudant chef au 2e Régiment d'artillerie Coloniale

Blessé le 28 avril 1917 et le 1er mars 1918.

Dans l'Aine et à Reims.

5 citations.1 citation Belge. Belgique, Marne, Champagne, Somme, Aisne, Alsace. »

Quelques précisions. A Charleroi (en Belgique), victoire des Allemands en août 1914.

Il a reçu de nombreuses médailles pour attester de son mérite, dont voici les neuf qui figurent sur ce tableau: la Légion d'Honneur, la Médaille militaire, la Croix de Guerre Française, la Croix de Guerre Belge, l’Inter-Alliés, la Médaille de Combattant, l’Insigne des Blessés, la médaille Commémorative et la médaille du Cinquantenaire 1918/1968.

Les jours de cérémonie, Ernest les détachait du tableau pour les porter. Aujourd’hui c’est son fils qui  conserve fièrement ce témoignage du parcours de son père.

q       Photographie: le tableau de médailles d’Ernest BLESTEL

Peu de temps après la première guerre mondiale, Ernest poursuit sa carrière militaire de 1919 à 1921 en Chine et en Egypte.

En juin 1920 il quitte le 2ème R.A.G. et incorpore le 2ème Régiment Malgache à Coëtquidan. Il embarque à Marseille le 13 janvier 1821.

Ensuite il embarque pour Alexandrette au Liban.

Le 2ème Régiment d’artillerie doit fournir des cadres pour un groupe d’artillerie malgache en formation au camp de Coëtquidan qui doit partir au Levant pour continuer les opération de guerre contre les bédouins et les turcs.

Le 13 janvier  1921 Ernest n’a plus que trois jours à faire. Il embarque alors comme volontaire et le 28 octobre 1921 il arrive au Levant pour une nouvelle Campagne. Le Levant est le nom donné aux pays de la côte Orientale de la Méditerranée.

Le 28 février 1922 il est libéré du service actif sur sa demande. Il se retire à Equeurdreville.

Au cours de sa carrière militaire, il change de domicile de Yvetot-Bocage (canton de Valognes) à Golleville (canton de Saint-Sauveur-le-Vicomte) probablement en raison de son mariage.

Puis il changera de résidence afin de s’installer à Cherbourg, 40 rue du Faubourg.

Entre les deux guerres mondiales, de 1923 à 1923, Ernest  et Maria ouvrent un magasin de légumes primeurs, rue du Faubourg à Cherbourg. Cette rue n’existe plus aujourd’hui. Elle faisait partie d’un vieux quartier de la ville appelé l’îlot numéro 1, qui fut démoli en 1961. C’est l’état déplorable de ce quartier qui a motivé cette solution radicale.

« Des lessiveuses et des poubelles rangées côte à côte contre les murs, du linge accroché à une corde traversant la ruelle, un caniveau central qui charrie ses eaux grasses entre les pavés luisants, des cheminées lézardées, des murs qui tiennent encore debout par on ne sait quel miracle et des toîts pourris jusqu’à l’os : voilà le tableau affligeant que le promeneur peut encore rencontrer en plein Cherbourg, impasse Dubost, passage Lesdos, rue du Faubourg ou rue du Vieux-Pont, en ce début d’année 1961. »

C’était  le dernier vrai « quartier populaire » de Cherbourg. Plusieurs rues et 276 immeubles furent rasés, soit au total une surface d’environ 90.000 m2.

Ernest et sa famille vivront successivement à Cherbourg et Yvetot Bocage. Puis en 1929, ils déménageront à Golleville. Ernest a 45 ans. Sa ferme d’élevage, fondée par ses grands-parents, s’agrandira au fil du temps de 8 à 20 hectares, employant  trois à quatre ouvriers agricoles. Ensuite il cèdera la ferme à ses enfants. Il élèvera des bovins, produisant ainsi du lait et de la viande. Son  loisir sera la chasse.

Juste et équitable, catholique pratiquant, son exigence de droiture  sans doute liée à sa carrière militaire amènera parfois Ernest à être autoritaire.

Après plus de 15 années de services en tant qu’Adjudant-Chef, 17 ans et six mois de campagnes, le 30 juin 1952 il reçoit la Médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur.

En 1953, sous-officier en retraite de l’Armée de Terre, il fait une demande pour obtenir la Croix du Combattant Volontaire mais les demandes étaient forcloses depuis le 1er janvier 1952.

En 1956 il est déclaré invalide à 35% pour blessures de guerre. En effet, il a gardé des séquelles pulmonaires  et bronchiques de ses intoxications par gaz lors de la guerre 1914-1918.

Le Jeudi 29 avril 1971 à Golleville, Maria à 75 ans pleure la perte de son époux Ernest, décédé à l’âge de 86 ans, de mort naturelle...

Publicité
Commentaires
D
le pére de ma mére se nommait louis vildier ils étais de valcanville pas trés loin de réville
la madeleine
Publicité
Publicité